REVIEW | Wanderer

La Fanciulla del West de Giacomo Puccini, Bayerische Staatsoper – Munich 2022–2023

Une Fanciulla del West munichoise somptueuse par la musique et les voix…

“La Fanciulla del West est une œuvre assez mal aimée parmi les opéras de Puccini, et les productions en sont assez rares. Le spectacle munichois est tout récent, nouvelle production de 2019, jamais représentée depuis à cause du Covid. Et pour cette première reprise, Jonas Kaufmann, après Peter Grimes quelques semaines auparavant, reprend le rôle de Dick Johnson, tandis que Minnie est Malin Byström.

Le spectacle a triomphé, par la présence du ténor enfant du pays qui n’était pas revenu la saison dernière et qui en quelque sorte ouvre cette saison de manière assez grandiose, mais c’est aussi la direction flamboyante de Daniele Rustioni, entre deux Tannhäuser à Lyon, qui donne à cette reprise des allures de vraie Première qui devrait donner envie d’entendre plus souvent ce Puccini-là.

…La première série de représentations avait été dirigée par James Gaffigan qui tout en dirigeant très (trop ?) fort avait su faire ressortir des détails sans toutefois réussir à lier l’ensemble ni mettre toujours en avant les aspects novateurs. Avec Daniele Rustioni à la tête d’un Bayerisches Staatsorchester très en forme et visiblement très engagé, nous sommes à un tout autre niveau dans l’exploration de la « vérité puccinienne ». Rustioni qui a l’orchestre parfaitement en main, réussit à rendre la double postulation dont nous parlions plus haut, un son puccinien traditionnel apte à séduire le public habitué à d’autres œuvres antérieures du compositeur (il use sans en abuser du rubato par exemple, vraiment absent chez Maazel), mais il propose une lecture d’une telle limpidité, d’une telle lisibilité, que chaque détail de l’orchestration apparaît, sans jamais que les équilibres se rompent au prodit des pages plus communes, ou plus « mélodiques » et traditionnelles. Il ne couvre jamais le plateau, et d’ailleurs les voix s’imposent suffisamment, l’accompagne pour laisser le texte s’épanouir (Gallo et Kaufmann sont exemplaires, moins Byström) dans une œuvre où la question de la conversation en musique (notamment au deuxième acte) est essentielle. Il réussit à exalter les bois, à faire ressortir des éléments de la partition un peu enfouis, mais en même temps montre dans les grandes phrases mélodiques au cordes une chair, une émotion et un allant exemplaires. A ce titre, le premier acte, qui alterne des moments plus intimes et d’autres plus choraux, un orchestre charnu et à d’autres moments un orchestre plus épuré, est vraiment un modèle de ce qu’on aime dans les lectures de Puccini.

Rustioni se révèle dans ce Puccini d’une maturité notable, sachant respecter tous les équilibres, sachant aussi révéler les replis de chaque élément, les trouvailles instrumentales, sachant mettre en avant la modernité. C’est un Puccini, riche, divers, très coloré, et donc à la fois lumineux et ombrageux. Petrenko dans cette salle, pour Tosca et pour Il Trittico nous avait montré la voie d’un Puccini autre et fulgurant ; dans un autre style, évidemment, Rustioni garantit une exécution exemplaire, loin, très loin du répertoire ennuyeux et plat, redonnant à cette partition la noblesse, le lustre et surtout l’intérêt qu’elle mérite. En ce sens aussi, cette première reprise de cette production nouvelle de 2019, apparaît comme une nouvelle « première » tant cette exécution, accueillie par un triomphe de public peu commun, est d’un niveau exceptionnel, malgré l’absence d’Anja Kampe, mais grâce à un orchestre exceptionnel et des solistes (Kaufmann et Gallo particulièrement) d’une bouleversante intensité. Nous réclamons encore des Puccini de cette trempe et de cette force.”

Wanderer, Guy Cherqui

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