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Mefistofele de Arrigo Boito, Opéra de Lyon 2018-2019

Les Folies Mefisto

Opéra National de Lyon, jeudi 11 octobre 2018

Excellente initiative que de programmer Mefistofele de Arrigo Boito à l’ouverture de saison de l’Opéra de Lyon. L’œuvre est mal connue en France et Boito est plus célèbre pour ses livrets verdiens (Otello, Falstaff, révision de Simon Boccanegra) que pour cet unique opéra achevé.

La vision du mythe faustien sous le point de vue de Mephisto est suffisamment originale pour permettre à un metteur en scène de l’être à son tour. Alex Ollé n’a pas saisi la balle au bond, et propose un spectacle plus « plumes et paillettes » que profond, malgré un apparat scénique impressionnant, tandis que chœur et orchestre défendent avec ardeur une musique quelquefois un peu méprisée.

Orchestre et chœur épousent avec grande expressivité la partition

Dans une œuvre où le chœur est si important, il faut saluer le travail impeccable et la préparation du chef de chœur Johannes Knecht, et de la maîtrise dirigée par Karine Locatelli. Expression, intensité, puissance sont au rendez‐vous notamment du prologue et de l’épilogue et c’est une prestation en tous points exceptionnelle qui nous a été proposée ici : on avait rarement entendu le chœur aussi impressionnant. Les forces de l'Opéra de Lyon, toutes les forces, des choristes aux musiciens et aux techniciens, ont d'ailleurs montré toutes leurs éminentes qualités.

Daniele Rustioni a une relation particulière à cette œuvre : membre du « Coro di voci bianche » (la Maîtrise) de la Scala, il avait participé tout jeune aux représentations dirigées par Riccardo Muti à la Scala en 1995 (Mise en scène Pier’Alli, avec Samuel Ramey) et c’est là qu’est née sa vocation musicale.

Son propos est d’une grande clarté : il met en exergue des détails instrumentaux qui illustrent une composition plus raffinée qu’on ne le pense habituellement. Certes, d’autres moments sont pompeux, excessifs aussi et Rustioni les affronte parce que cette musique exige aussi d’être démonstratif, mais il a le souci d’en souligner tous les détails, sans vraiment couvrir les voix, dans une salle de dimensions qui leur permettent de passer sans trop d’encombre, et avec une fosse suffisamment profonde pour leur être confortable. Il reste que la partition ne s’embarrasse pas toujours de raffinements, même si le troisième acte plus sombre et moins éclatant, est là aussi le plus émouvant. Le prélude en est exemplaire à la fois par sa clarté et ses accents et par le pathos qu’y met Rustioni. Une direction énergique et bien plus claire que la mise en scène, révélant une partition plus complexe qu’il n’y paraît avec des moments d’une indéniable beauté, voire sublimes.

Guy Cherqui, Wanderer

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