Daniele Rustioni : « Mon cœur est toujours à Lyon »
En poste depuis 2017, le chef de l'orchestre de l'Opéra pro‐ longe son mandat pour au moins deux ans. Retour sur un parcours fulgurant.
Quel bilan tirez-vous de vos premières années à Lyon ?
« L'opéra de Lyon jouit d'une très bonne image à l'étranger où il est considéré comme une grande maison d'art. La presse du monde en‐ tier s'intéresse à sa programmation. En me nommant à la tête de l'orchestre en 2017, Serge Dorny m'a permis de bénéficier de cette dimension internationale. Avec mes musiciens, j'ai dirigé dans des lieux prestigieux comme le Théâtre des Champs-Élysées à Paris et le festival d'Aix-en-Provence. »
Pourquoi ne dirigez-vous pas à l'opéra de Paris ?
« Mon exclusivité avec l'opéra de Lyon – et je tiens à la conserver jusqu'à la fin de mon mandat – m'interdit de diriger dans d'autres maisons en France. Mais pas à l'étranger puisque je sors d'une longue série de représentations de Rigoletto de Verdi au Metropoli‐ tan de New York. Je collabore régulièrement avec le Covent Garden de Londres et la Scala de Milan. En mai prochain, à Munich, je diri‐ gerai les représentations des Troyens de Berlioz. »
Quelle relation avez-vous établie avec l'orchestre ?
« Au cours de ces cinq années de mandat, j'ai dirigé une vingtaine de titres, opéras et concerts. J'ai noué une vraie complicité avec les musiciens et les chœurs. Ces liens facilitent notre travail, la préci‐ sion du rendu et la compréhension immédiate de mes intentions. C'est un vrai travail d'équipe. Ensemble, nous pouvons encore pro‐ gresser. Je n'oublie pas la chaleur que le public lyonnais me té‐ moigne à chaque fois. »
Ces relations vous ont-elles changé ?
« Lyon m'a donné la possibilité de découvrir un répertoire que je connais peu comme La Juive de Halévy ou les opéras de Massenet. Cette position m'a permis aussi de mieux connaître de quelle fibre musicale je suis fait. À l'inverse de beaucoup de chefs qui viennent pour faire le show, je suis un catalyseur, je travaille sur la sub‐ stance de la musique. »
Comment se dessine votre futur à Lyon ?
« Mon mandat s'achève en juin 2022. Mais je pense rester encore deux ou trois saisons supplémentaires. Nous avons beaucoup de projets qui me tiennent à cœur, notamment les opéras de Puccini, particulièrement Tosca qui n'a pas été donné depuis 37 ans. Je diri‐ gerai aussi trois grands titres du répertoire allemand, comme Woz‐ zeck de Berg avec le baryton lyonnais Stéphane Degout. Dans les trois prochaines années, Lyon sera au festival d'Aix-en-Provence où je dirigerai Lucie de Lammermoor de Donizetti dans la version fran‐ çaise. »
L'itinéraire d'un surdoué
Père guitariste, frère DJ, sœur productrice d'un groupe de rock et sa mère ancienne choriste à la Scala où il a lui-même chanté dans les chœurs de 8 à 17 ans : la musique est dans l'ADN de la famille. « Pendant que mes copains jouaient au foot ou allaient en disco‐ thèque, je chantais le répertoire lyrique italien ».
Baryton léger, ancien élève du conservatoire Giuseppe Verdi où il a suivi des cours de piano, orgue, composition, violon, violoncelle et direction de chœurs, Daniele Rustioni, aujourd'hui âgé de 39 ans, ne pensait pas devenir chef d'orchestre. Sa rencontre, au Covent Garden de Londres, avec le grand maestro Antonio Pappano, son « père spirituel », en a décidé autrement. Il a alors 25 ans. Quatre ans plus tard, il revient dans sa vielle natale où il fait ses débuts, à la Scala, avec La Bohême de Puccini.
Depuis, il a imposé son talent dans les plus grandes scènes lyriques qui se l'arrachent. Les Lyonnais ont encore deux à trois ans pour en profiter !