Tosca en surimpression
Un orchestre totalement convaincant, au service d'un projet qui ne lui rend pas la tâche facile
...”Reste Daniele Rustioni, dont la direction détaillée, analytique, très théâtrale sans être traditionnelle frappe par son raffinement et permet une fois de plus de constater la qualité éminente atteinte par l’orchestre de l’Opéra de Lyon. Je pense que le chef devant une telle production, a été contraint, comme les chanteurs, de travailler au second degré, comme derrière une vitre telle celle qui marque la vision de l’orchestre au début du troisième acte (très belle image d’ailleurs). De fait la musique commence après un prologue assez souriant, qui atténue les premiers accords dans leurs effets tonitruants. Rustioni aussi ne peut jouer l’émotion en direct, mais médiatisée par la situation, accompagnant un chant lui‐même modulé par le dispositif voulu. Rustioni réussit le défi de ne pas diriger une Tosca ordinaire ni expressionniste, parce qu’il sait que la mise en scène et la direction musicale doivent fonctionner au même rythme et dans la même couleur. Rustioni n’est jamais explosif, jamais vulgaire et en profite, face au raffinement intellectuel de l’approche, de répondre par un travail de détail, exaltant les complexités de l’écriture puccinienne, que l’orchestre découvrait soit dit en passant. Le troisième acte permet de se concentrer sur cette écriture parce qu'on voit l'orchestre : les bois sont merveilleusement exaltés, et le rôle de chaque instrument est mis en valeur, qui fait quelquefois penser à des musiques bien plus récentes, tout en maintenant la tension ambiante. Le deuxième acte montre un sens dramatique particulièrement acéré, sans jamais surjouer, sans jamais exagérer, et avec un raffinement qui contredit ceux qui pensent que Puccini est un compositeur banal. L’écriture puccinienne, qui fascinait Schönberg, est une écriture très moderne, il suffit de se concentrer sur des lignes de forces de certains instruments pour le constater. Et Daniele Rustioni montre cette complexité et rend justice par sa limpidité à cette écriture, un travail irréprochable en cohérence avec une production qui met le chef en posture difficile parce qu’il dirige en quelque sorte, dans le vide ou au bord du gouffre, dedans et dehors, une histoire qui n’est pas celle qu’on voit sur scène, comme une langue qui ne se parle pas comme elle s’écrit. ...
...A revoir absolument dans l’ambiance de l’Opéra de Lyon, cet hiver.”
Guy Cherqui, Wanderer